
Body doubling
- Julie BOUCHONVILLE

Quand les activités parallèles deviennent une stratégie de soutien
Peut-être mon lecteur a-t-il déjà constaté qu’accomplir une tâche peu plaisante devient plus gérable quand une personne bienveillante se trouve à proximité, prête à aider. Son aide active n’est, d’ailleurs, pas nécessaire : sa présence peut suffire à amener le sentiment d’être soutenu, limiter les distractions et abaisser le seuil de pénibilité de la tâche.
Eh bien ça a un nom, et aujourd’hui, nous en parlons.
Body doubling, TCC et TDAH
Cette stratégie est, techniquement, un outil que l’on peut proposer dans le cadre d’une thérapie cognitive et comportementale. Le patient venant avec des problèmes de fonction exécutive, par exemple parce qu’il a un TSA ou un TDA(H), il exprime avoir toutes les peines du monde à accomplir certaines tâches peu plaisantes mais importantes, comme par exemple entretenir son espace vital, remplir des documents administratifs ou se cuisiner des repas vaguement équilibrés.
Le professionnel peut alors lui suggérer de faire appel à un proche de confiance pour ne pas se sentir seul durant ces tâches. Le proche peut participer à la tâche, mais ce n’est même pas nécessaire : le body doubling fonctionne parce que l’on a pris rendez-vous avec quelqu’un pour effectuer cette tâche, que l’on se sent moins seul, que la tâche est moins déplaisante maintenant que quelqu’un que l’on apprécie est là, et que ce dernier pourra nous faire une remarque s’il nous voit en train d’allumer la console plutôt que de rassembler des factures comme prévu.
Et pour les personnes autistes ?
Mon lecteur se rappelle peut-être que les enfants autistes ont tendance à préférer le jeu parallèle au jeu interactif : tu balades tes dinosaures de ton côté de la table, je balade mes requins de mon côté, ils ne se croisent pas, nous ne nous parlons pas, et après une bonne heure à ce rythme, nous sommes tous les deux très satisfaits de cet échange.
Le body doubling, c’est exactement la même chose, mais avec du boulot plutôt que du jeu. Il n’y a à mon sens pas eu d’étude sur la question, mais pour ce que cela vaut, la plupart des personnes autistes que je connais apprécient cette stratégie et la déploient volontiers.
Application pratique
Comment s’y prendre ? Il suffit à vrai dire d’avoir sous la main une personne qui accepte d’être notre partenaire pour la session. Elle a sûrement elle aussi des tâches qu’elle renâcle à faire, et tant que les deux partis parviennent à se mettre d’accord sur les règles — musique ou pas, fréquence des pauses, discussion ou non pendant la réalisation des tâches, etc — il n’y a virtuellement aucune limite au système.
J’ai moi-même l’habitude de pratiquer cet accompagnement à distance : avec un proche au téléphone ou en visio, la sensation de soutien est toujours bien là, et il n’est pas nécessaire d’organiser un déplacement. Cela peut représenter un avantage lorsque l’on hésite à imposer une demande à son proche : une visio est moins contraignante qu’une visite, après tout.
On notera qu’une seule personne suffit à fournir un soutien, mais cette astuce peut être pratiquée en groupes plus grands, comportant autant de membres que cela est confortable.
Dans une certaine mesure, j’ai également constaté que pour certaines tâches, la simple perspective de la session à venir me motivait à réaliser la tâche par moi-même, un peu comme certaines personnes nettoient leur maison avant que le personnel de ménage n’arrive. Je ne dis pas que c’est le but, bien sûr, mais avancer d’un pas vers l’accomplissement de la tâche, même si ce n’est qu’une prise de rendez-vous, peut suffire à décoincer la mécanique et continuer sur un élan de résolution qui mène à la complétion.
Inconvénients
Si elle me semble puissante, la technique n’est pas miraculeuse pour autant. Les personnes souffrant d’anxiété sociale peuvent ne pas trouver réconfortant du tout d’ajouter un tiers à l’équation, pour commencer. De même, un tiers qui ne se comporterait pas comme prévu peut être très pénible : son aide provient essentiellement de sa présence, mais certaines personnes ne comprennent pas cela et sont déterminées à participer à la tâche. Devoir gérer quelqu’un qui insiste pour savoir où sont rangées les factures à transmettre ou pourquoi on taille l’arbre de cette façon n’est pas une aide, que du contraire.
D’expérience, il me semble aussi qu’une personne trop peu investie dans sa propre tâche, et donc source de distraction pour celles des autres, est problématique : si Ananas passe son temps à marmonner tout seul et soupirer qu’écrire des rapports l’agace, par exemple, Kiwi et Fraise auront d’autant plus de mal à se concentrer sur leurs propres déclarations de TVA et nettoyage de salle de bain.
Il est donc important de se mettre d’accord en début de session, comme je le disais, sur les paramètres de ce qui est proposé : qui a besoin de calme, qui aimerait discuter pendant que seules ses mains travaillent, dans quelle mesure une petite interruption est-elle la bienvenue, etc.
J’espère avoir, par cette astuce, facilité la vie de mon lecteur, et lui souhaite d’excellentes sessions de tâches (un peu moins ?) ingrates à venir.
Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com
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