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La théorie de la cohérence centrale et l’autisme - Partie 2

- Julie BOUCHONVILLE

La théorie de la cohérence centrale et l’autisme - Partie 2

La semaine dernière, nous avons abordé la théorie de la faible cohérence centrale, et déterminé qu’elle voulait expliquer le pourquoi de l’autisme en appliquant une causalité entre certains de nos comportements et la façon dont notre cerveau fonctionnerait. La question se pose donc : nos cerveaux traitent-ils l’information d’une manière radicalement différente des neurotypiques, au moins sur l’axe allant du détail à la vision d’ensemble ?

 

Comment les autistes collectent-ils et traitent-ils l’information ?

Premier coup d’œil

Souffrons-nous d’un manque chronique de contexte ? Au premier regard, ce serait tentant de l’affirmer. Plusieurs de nos difficultés sociales pourraient être interprétées comme telles : sans vue d’ensemble d’une interaction, il est plus facile de monopoliser le temps de parole ou d’ignorer les conventions sociales qui régissent les échanges avec des tiers et, de fait, de passer pour impoli ou bizarre. « Le contexte » est ici l’espèce de référentiel, né à la fois d’interactions dont on a été spectateur ou acteur, mais aussi d’une sorte d’instinct de ce qu’il convient ou non d’éviter lors d’un échange — et pour de nombreux autistes, ce contexte fait défaut.

Même remarque pour certaines difficultés sensorielles : on pourrait comprendre la pénibilité de certains stimulus sensoriels en termes d’un manque de contexte normatif. En gros, certains stimulus seraient intolérables pour les personnes autistes parce qu’ils sont choquants, alors que les neurotypiques s’attendraient à ces stimulus, pourraient leur donner du sens dans une situation donnée, et seraient capables de les relativiser quand bien même ils seraient déplaisants.

Le problème viendrait donc de la manière dont les informations nous parviennent et sont traitées par nos cerveaux, ainsi que des modèles de la réalité que nous créons sur base de cela.

 

Du traitement holistique de l’information chez la personne autiste

Plusieurs études se sont penchées sur la manière dont le cerveau autiste traite l’information : pièce par pièce pour créer un tout, du détail à l’ensemble, ou en commençant par le général avant d’aller vers le précis, de l’ensemble au détail ?

 

Il semblerait que la dichotomie mise en place par la théorie de la faible cohérence centrale n’ait finalement pas lieu d’être. Dans une étude prenant pour sujet le traitement de la musique et des mélodies[1], à l’échantillon réduit (26 sujets), les chercheurs ont plutôt mis en lumière une dualité de traitement local vs traitement global. Les personnes autistes n’ont pas moins bien réussi les tâches que leurs pairs lorsqu’il s’agissait d’un traitement global, c’est-à-dire une approche nécessitant de prendre en compte l’ensemble des données, mais elles ont mieux performé que leurs pairs sur les tâches dites locales, c’est à dire, nécessitant de se concentrer sur des éléments précis et de repérer des motifs au sein d’ensembles.

Pour reprendre mon analogie du début, on ne serait donc pas tant face à des autistes qui sont mauvais pour voir la forêt, que des autistes vraiment bons pour repérer les arbres.

 

Une autre étude canadienne[2] s’est intéressée à la manière dont les personnes autistes traitaient l’information visuelle, et ses conclusions sont plutôt comparables : malgré un délai de réflexion un peu plus long sur certaines tâches, les personnes autistes n’ont pas de moins bons scores lorsqu’il s’agit d’adopter une vue d’ensemble et de garder un certain contexte à l’esprit.

 

Le cas de la prosopagnosie

Récap

Cette pathologie étrange est, je le rappelle, une difficulté dans le traitement et la reconnaissance des visages, c’est-à-dire que les personnes concernées ne les reconnaissent[3] pas et ont du mal à se les représenter en esprit. Les autistes sont particulièrement concernés par la version congénitale de ce trouble.

Les visages sont, pour les cerveaux humains, des ensembles de données visuelles très importants, et sont traités comme tels. Un individu moyen est capable de reconnaître un visage connu même après plusieurs dizaines d’années, même changé par les rides, une perte ou une prise de poids importante, un changement de coiffure, etc., et l’une des manières d’arriver à ce haut niveau de reconnaissance est par un traitement holistique de l’information. Plutôt que de construire le visage connu trait par trait, en considérant que Myrtille a une bouche comme ceci, un menton comme cela, des pommettes de telle forme, le cerveau humain traite chaque visage comme un tout.

J’encourage mon lecteur à faire le test, pour peu qu’il ne soit ni autiste ni portraitiste : de quelle couleur sont les yeux de ses amis ? En considérant l’échantillon des quelques personnes qu’il fréquente quotidiennement ou presque, lesquelles ont les sourcils touffus ? Quelle forme ont, d’ailleurs, leurs sourcils ? Comment sont leurs lobes d’oreilles, attachés ou détachés ? Combien de nez droits et de nez en trompette ?

Sans doute mon lecteur ne le sait-il pas.

Une personne souffrant de prosopagnosie peut sans doute fournir ces informations, en revanche, parce que son cerveau traite les visages comme il traite les tables, les fleurs ou les ruisseaux : morceau par morceau. Cela nous donne l’amusante aptitude de pouvoir affirmer que « Ananas a exactement les mêmes lèvres que Banane », mais cela fait aussi que si Ananas change de coiffure ou arrête de porter du rouge à lèvres, nous n’avons plus la moindre idée de qui il s’agit.

 

La cause

La prosopagnosie, du moins sous sa forme congénitale[4], serait bien causée par un problème de l’approche holistique. Ce n’est pas en revanche pas forcément révélateur de la capacité des autistes à adopter une vue d’ensemble dans tous les cas. Dans ce cas précis, nous faisons exactement ce dont Uta Frith nous soupçonnait : nous additionnons des pièces éparses en espérant que cela forme un tout cohérent, et souvent, ça ne fonctionne pas[5].

 

Conclusion

Dans certaines circonstances, il est indiscutable que les autistes semblent manquer d’une forme de contexte, d’une certaine capacité à garder une vue d’ensemble sans se perdre dans les détails. Et nous sommes, selon plusieurs études, très bons pour les détails, pour les repérer au milieu du chaos, pour identifier des motifs ou reconnaître de petits sets de données.

Ceci étant dit, la théorie selon laquelle ceci serait non seulement révélateur du fonctionnement général de notre cerveau, et aussi la cause de pratiquement tout ce qui fait de nous des autistes, ne semble pas solidement établie, et n’est pas acceptée telle quelle. Elle n’a pas l’importance universelle de vaste « explication de l’autisme » qu’on a pu vouloir lui donner, l’autisme étant bien sûr bien plus complexe qu’une sorte d’interrupteur cérébral qui serait dans la mauvaise position. (Comme n’importe quel autiste aurait pu l’affirmer, si on nous avait demandé notre avis.)

 

[1]« Local and Global Processing of Music in High-functioning Persons with Autism: Beyond Central Coherence ? », Ménard et. al.

[2]« Perceptual Processing among High-functioning Persons with Autism », Burack et. al.

[3]Ou très difficilement.

[4]Les traumas crâniens et les accidents vasculaires cérébraux, entre autres, peuvent causer la prosopagnosie à tout moment de la vie, mais seuls quelques élus naissent avec.

[5]De snobber des amis proches à ne pas me reconnaître dans le miroir en passant par ne pas du tout comprendre un film parce que je confonds les personnages, j’ai moi-même plusieurs anecdotes de prosopagnosie qui tourne mal.


2 commentaires
  • Et moi c’est drôle parce que chaque fois que je retrouve mes amoureux, je me dis “wouaw ! Mais j’avais oublié à quel point il est beau !” Je me rappelle de leurs sourcils, d’un détail de la forme du nez ou de la bouche. Du coup dans ma tête quand j’essaie de me reconstruire le visage, ces petits détails deviennent énormes et du coup ça donne un truc difforme. C’est donc une très agréable surprise à chaque fois que je les retrouve !!!

    Eléonore le
  • Dans mon cas précis, la prosopagnosie se présente quand la personne en face a un état d’humeur assez diffèrent. Là, si je connue la personne souriante et aimable et je la retrouve colérique, triste, je ne sais pas son état émotionnel, mais je n’arrive pas a reconnaître, c’est un parfait inconnue. Encore, quand insistent avec le prénom, mais c’est Julie! Surement c’est évident, les Neurotypiques changent de visage selon ses états d’âme, pour moi sont simplement ‘autres’, des inconnues.

    MARGA le

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