
Autisme : la théorie du cerveau hypermasculin
- Julie BOUCHONVILLE

Aujourd'hui s'ouvre une série sur cette théorie souvent décriée et qui pourtant, semblable au Dracula de la littérature, se refuse à mourir. (Nous vide-t-elle de notre énergie et parle-t-elle avec un accent roumain, j'en laisse mon lecteur seul juger.)
Nos cerveaux sont-ils identiques aux masculins ? Sommes-nous, j'ose le dire, des surhommes ? Et si oui, qu'est-ce que cela signifie ?
Le sexe des anges, le genre des cerveaux
Les cerveaux neurotypiques sont-ils genres ?
Deux vérités contradictoires coexistent lorsque l'on parle des cerveaux humains. Les cerveaux des hommes et ceux des femmes peuvent différer, c'est-à-dire que de grandes tendances organisationnelles existent au moins selon certains chercheurs. On pourrait donc grossir (fortement) le trait et dire qu'il existe un cerveau féminin et un cerveau masculin.
Et en même temps, comme ce sont des tendances, ce n'est pas toujours vrai à l'échelle individuelle. Faisons un parallèle : en général, les femmes sont un peu moins grandes que les hommes. C'est une tendance. Pourtant, certaines femmes sont plus grandes que certains hommes. La tendance existe, mais des exceptions sont possibles et même, sur des milliards d'individus, courantes.
Le genre du cerveau fonctionne selon le même principe. La tendance existe, mais ne détermine pas tout.
Ensuite, il faut noter que les cerveaux humains coûtent cher à entretenir d'un point de vue énergétique, et cela signifie qu'ils sont plutôt plastiques, malléables : toute structure qui sert peu aura tendance à disparaître [1] . Les femmes et les hommes n'étant pas traités à l'identique par le monde, vivant des vies différentes, il est impossible de savoir si la différence d'expérience vient d'une différence de cerveau, si tant est que cette dernière soit bien avérée, ou l'inverse.
Enfin, notons que les études tendent à suggérer [2] que si des différences existent entre femmes et hommes, elles ne prédisent pas les comportements et les aptitudes, qui sont mieux expliquées par les différences individuelles. En gros, des tendances peuvent être remarquées, mais si Oncle Ananas a de moins bons résultats que Tante Myrtille à ses tests de mémorisation, ce n'est pas parce que c'est un homme, c'est parce que c'est Oncle Ananas.
Les cerveaux masculins
Ce préambule ayant été posé, quelles sont les tendances que l'on tend à observer sur les cerveaux des hommes [3] , bien qu'elles ne fassent pas toujours consensus ? [4]
→ Pour des individus de taille égale, ils sont un peu plus considérables
→ Les cerveaux un peu plus gros, donc en général les cerveaux d'hommes, ont plus d'intraconnectivité, c'est à dire des connexions à l'intérieur des hémisphères [5] [6]
→ Ils ont un peu moins de volume dans leur cortex préfrontal [7] , leur cortex insulaire [8] , leur gyrus temporal transverse [9] et leur sillon supérieur droit [10]
→ Ils ont un peu plus de volume dans leur lobe temporal [11] , leur gyrus fusiforme [12] , leur putamen [13] , leur cortex visuel [14] , et l'un des lobes de leur cervelet [15]
Existe-t-il un comportement masculin lié à un cerveau masculin ?
Si mon lecteur m'a suivi jusqu'ici, il sait déjà que la réponse à cette question est « sans doute pas », mais surtout qu'il n'y a aucun consensus sur la question. À l'heure actuelle, il est impossible d'affirmer que tel comportement typiquement masculin découle de telle structure cérébrale, ou tel mécanisme typiquement masculin.
D'abord, parce qu'un comportement typiquement masculin n'existe pas (j'invite mon lecteur à chercher un comportement commun à tous les hommes, mais à aucune femme).
Ensuite, parce qu'il n'y a même pas de consensus scientifique sur ce qu'est un cerveau masculin, et enfin, parce que les schémas qui pointent une zone du cerveau et légendent qu'ici se trouve le siège de la pensée en 3D sont d'un simplisme puéril.
Que penser de la théorie de l'autisme comme celle d'un cerveau hypermasculin ?
Eh bien, sur base de ce que nous avons résumé aujourd'hui, c'est quand même très mal parti. Je retrouve mon lecteur la semaine prochaine pour aborder le vif du sujet.
[1] Une étude élégante sur la plasticité cérébrale (https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC7419711/) a montré qu'il suffit de 48 h pour que des modifications neurologiques apparaissent après la perte d'une fonction. Les participants avaient eu leur bras dominant plâtré, et dès 48 h après le début de l'étude, l'activité des neurones était modifiée.
[5] Les cerveaux un peu plus petits ont tendance à favoriser l'interconnectivité, c'est-à-dire la connectivité entre les hémisphères
[6] On note que cette différence inter/intraconnectivité semble plutôt liée à la taille du cerveau qu'à un genre, tout comme le fait que les cerveaux d'hommes semblent avoir un corps calleux un peu plus puissant : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11445261/
[7] Dire quelle zone correspond à quelle fonction est un exercice hasardeux, mais, en très gros, certaines fonctions exécutives trouvent leur siège dans cette zone, ainsi que des fonctions cognitives comme la formation de la parole, la gestion de la direction du regard, l'utilisation de la mémoire de travail, l'évaluation des risques, et la pensée rationnelle.
[8] Une structure impliquée dans des mécanismes de formation de la conscience, de la dépendance et du dégoût.
[9] Centraliser la gestion de l'audition
[10] Participant à la compréhension du mouvement biologique (comprendre les mouvements des organismes que l'on voit autour de nous), à la captation du regard d'autrui, et à l'interprétation de ses émotions.
[11] Une structure impliquée dans de nombreuses fonctions de mémorisation et de gestion des émotions ainsi que de certains stimulus visuels et auditifs.
[12] Participant, entre autres, à la reconnaissance des visages — les personnes prosopagnosiques peuvent présenter une anomalie de cette structure.
[13] Implicité dans la gestion des fonctions motrices et l'automatisation de certains gestes.
[14] Qui gère les informations visuelles.
[15] Associé à la proprioception.
Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com
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